Alcool, intimité et violence.

Les femmes seraient-elles davantage victimes mais aussi davantage auteures de violences envers leur conjoint lorsqu'elles ont bu un verre de trop ? Cherchez l'erreur.

40 % de nos répondants ont déjà subi une forme de violence physique ou verbale de la part d'un conjoint alcoolisé. Et la différence est nette entre les femmes et les hommes : elles sont 50 % à déclarer avoir subi des violences contre 30 % des hommes. 60 % des femmes ayant déjà subi des violences déclarent par ailleurs s’inquiéter parfois ou souvent de la consommation de leur conjoint, quelle que soit leur propre consommation.

Paradoxalement, à la question « avez-vous déjà fait subir une forme de violence physique ou verbale à votre partenaire sous emprise de l'alcool ? », les femmes sont aussi plus nombreuses à avoir répondu « oui » (30 % contre 26 % pour les hommes).

Mais alors quoi ? Les femmes, victimes et auteures ?

Difficile de tirer des conclusions péremptoires, d'autant qu'il s'agit d'une violence autopercue et non factuellement établie. Médor a soumis ces résultats à Stéphanie Demoulin, professeure de psychologie sociale à l'UCL, qui étudie la question du genre et les relations entre les groupes. Pour elle, cette différence pourrait s'expliquer par ce qu'on appelle dans le jargon de la recherche en psychologie le « changement de standard ».

Violence normale ?

« Quand un individu évalue un comportement ou une personne, il fait appel à des standards de comparaison, qui diffèrent en fonction du genre. Pour la consommation d'alcool ou la violence, les standards appliqués aux hommes sont plus élevés que ceux appliqués aux femmes. Un même comportement agressif sera ainsi perçu comme plus agressif quand il est posé par une femme que par un homme, car notre seuil de tolérance et notre standard sont plus bas pour une femme. » Sur l'agressivité, ce sont toute une série de facteurs y compris des arguments pseudo-scientifiques du type « les hommes sont plus violents car ils ont plus de testostérone », qui expliquent que le standard appliqué à l'homme est plus élevé que celui appliqué à la femme. Et ces stéréotypes sont partagés par les deux genres. Les femmes se jugent elles-mêmes selon ces standards. Une femme bourrée qui hurle sur son partenaire se trouvera peut-être plus violente et se jugera plus durement qu'un homme, à décibels envoyés identiques…

Violation des normes

Stéphanie Demoulin ajoute un autre élément d'explication : la « violation des normes sociales ». « Les normes sociales prescrivent des rôles différents aux hommes et aux femmes. Boire de l'alcool et être agressif est plus toléré chez un homme que chez une femme. Si une femme boit trop ou devient agressive, elle adopte un comportement contre-normatif. Le retour de la société (comme le sien) sera donc d'autant plus négatif. »

Très peu d'études chiffrées se sont intéressées à la différence de genre dans le rapport entre alcool et violences. Néanmoins, dans un rapport européen de 2016, 63 % des Européens interrogés déclarent s’être retrouvés au moins une fois menacés ou s'être senti menacés par une personne (connue ou inconnue) sous l’influence de l’alcool, au cours des 12 derniers mois. La proportion de femmes y est très légèrement supérieure à celles des hommes. Rien de significatif. En revanche, elle est deux fois plus élevée que celle des hommes lorsque la violence évoquée est commises par des personnes connues, et présentant une forte consommation d’alcool (heavy drinkers). Une étude qui ne porte malheureusement pas sur la Belgique.

Texte: CA

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Couple, alcool et mensonges…

C’est un des chiffres les plus interpellants de notre enquête : 20 % des personnes en couple qui ont répondu à notre questionnaire disent avoir déjà menti à leur conjoint sur leur consommation d’alcool. Un chiffre qui varie énormément selon le sexe : 12 % des femmes ont pipeauté leur conjoint sur leur conso, contre 28 % des hommes ! À noter : les personnes déclarant avoir déjà fait subir des violences sous alcool, et étant en couple, déclarent aussi plus souvent mentir à leur conjoint. Ce sont majoritairement des hommes.