Bart, cafetier et abstinent!

Bart, le patron du bar l’Union (Saint-Gilles — Bruxelles), commande deux cafés puis démarre au quart de tour : «Tu interroges notre rapport à l’alcool? Moi c’est simple. Je ne bois plus depuis 15 ans et je suis aux AA. C’était ça ou me détruire.»

Les AA ?

Je savais que j’étais accro de plusieurs choses, Je suis aussi au NA, les Narcotiques Anonymes. Mais je ne savais pas m’en sortir seul. Il me fallait de l’aide. J’en parle aujourd’hui parce que ça peut aider. Je vais encore de temps en temps aux AA. Pour témoigner. Mais aussi pour ne pas oublier. Tu avances lentement dans l’alcoolisme. J’ai commencé à boire à 16 ans. J’ai arrêté à 40 ans.

Tu buvais beaucoup ?

Tu te doutes bien qu’en tenant un café, je buvais tous les jours. Mais ce n’est pas ce que tu bois mais pourquoi tu bois…

Pourquoi as-tu commencé à boire ?

J’ai toujours eu un malaise d’être avec l’autre. L’alcool rendait le contact plus facile.

Tenancier de bar et AA, c’est facile ?

Les gens me disent que j’ai de la volonté. Mais c’est l’inverse. Je n’en ai pas du tout. Tout s’écroulait: j’avais des dettes, je divorçais. J’ai été demander de l’aide. J’avais touché mon fond. Mais on a tous un fond différent.

« J’ai utilisé toutes les excuses possibles. J’en ai même fait mon métier ! »

Aujourd’hui, quand tu vois dans ton bar des personnes qui boivent trop, tout le temps, tu te dis quoi ?

C’est très simple: je ne vais jamais éviter que des alcolos viennent mais je veux avant tout que les personnes passent un bon moment. J’en ai beaucoup viré. Ils ne viennent pas pour le contact. Ils aiment les endroits sombres, glauques. J’en vois plein aller au football juste pour picoler. Je ne vais pas les juger. J’ai été très intolérant au début. Cela m’est passé, mais je n’ai plus envie de les fréquenter.

Toi, tu pensais beaucoup à ta consommation ?

Si tu n’as pas de problème, tu ne penses pas à la calmer. Les gens qui n’ont pas de problème ne pensent pas à réduire leur consommation. Ils boivent, c’est tout. Mais la différence entre un gros buveur et un alcolo, c’est que ce dernier a perdu le contrôle de sa vie.

Tu te trouvais des excuses pour boire ?

Moi? J’ai utilisé toutes les excuses possibles. J’en ai même fait mon métier! Je suis cuisinier de formation. Au début, on misait beaucoup sur la nourriture. Puis il y eut la boisson. Et ce n’était plus que des beuveries.

« Tu es content ? Tu bois. Triste ? Tu bois. Un chagrin ? Tu bois. Une bonne nouvelle ? Tu bois. Tu bois sur chaque émotion. »

Ça fait combien de temps que tu n’as plus touché une goutte ?

15 ans. On ne guérit pas. Les deux trois premières années, je ne servais plus jamais au comptoir. J’étais en cuisine. Maintenant, quand j’ai congé, que je vais au cinoche et repasse par l’Union vers minuit, je n’aime plus cette ambiance où tout le monde a bu. Aux fêtes, je suis toujours le premier parti. C’est quand même bizarre d’être sobre quand tout le monde est bourré.

Jamais failli craquer ?

Si. Mais pas en voyant les autres boire. Plutôt quand je me sens impuissant. La dernière fois, c’était quand ma fille ado avait des problèmes. Je paniquais, je voulais oublier.

C’est un peu ça un alcoolique. Tu es content? Tu bois. Triste? Tu bois. Un chagrin? Tu bois. Une bonne nouvelle? Tu bois. Tu bois sur chaque émotion.

Propos recueillis par Olivier Bailly

 

 

fb tw ig ma