Pub et genre : jusqu'au rosé piscine
Les femmes boivent moins que les hommes, mais elles boivent de plus en plus régulièrement. Cela tombe bien. Car si l’argent n’a pas d’odeur, l’alcool a un palais à convaincre. Et le sexe n’y a pas droit de cité. Les alcooliers l’ont bien compris : une bouteille vendue à un type ou une femme reste une bouteille vendue.
Le statut de « potentielle consommatrice » a fait évoluer l’approche des publicitaires vis-à-vis de la femme. De 4,5 % des Belges en 1997, les buveuses quotidiennes sont en effet passées à 10 % en 20131. Résultat, si « les hommes savent pourquoi », les femmes ne sont pas oubliées dans les campagnes de marketing. Boissons spécialement créées pour elles (plus sucrée, plus « lookée »), et publicités les mettant en scène : du sexisme à la pelle ? Pas vraiment. En Belgique, le JEP (Jury d’Éthique Publicitaire) n’est pas inondé de dénonciations de publicités associant femmes et alcool de manière discriminante. « L’évolution des plaintes liées à l’image de la femme dans les publicités pour des boissons contenant de l’alcool ne nous paraît pas significative », explique Priscilla Moens, secrétaire adjointe du Jury. Dans les rapports dédiés aux sujets2, une seule mention en trois ans. C’est peu.
Bière virile
Bières de mecs, l’amitié virile d’un côté, femme joviale, bombe sexuelle à retardement de l’autre, la pub liée à l’alcool est pourtant genrée, pas de doute. Mais la femme n’est pas uniquement un accessoire qui valorise l’alcool, elle est désormais une cible à convaincre. Et un stéréotype à reconstruire.
La littérature sur ces stéréotypes est rare (le ciblage des « jeunes » est bien plus documenté) mais dans un outil pédagogique sur les messages sexistes dans la publicité sur l’alcool, l’organisme canadien « HabiloMédia » a listé les rôles sexuels que les alcooliers réservent aux femmes : « Comme la grande majorité de ces annonces s’adressent aux jeunes hommes, on y présente habituellement des femmes confinées aux stéréotypes traditionnels : “bombe sexuelle”, “croqueuse d’hommes”, “ange/tentation”, “rebelle”, “convoitée” et “fêtarde”. » Ajoutons joviale et toujours de bonne compagnie pour ses amies (le pendant féminin du mec cool en quelque sorte).
Un délicat glissement de stéréotypes, où la femme objet glisse vers la consommatrice-cible. Un déplacement qui s’accompagne d’un arsenal de présupposés tout aussi stéréotypés…
Rosé piscine
« Le monde de l’alcool reste un monde machiste et sélectif, avance Muriel Lombaerts, qui a créé l’organisation “Vin de femme”. Quand on passe la frontière française, les publicités pour le champagne ou l’alcool reprennent d’ailleurs les poncifs sexistes. En Belgique, on cantonne les femmes dans les vins doux, les bières sucrées. Le rosé piscine, quoi ! Et pourquoi ne boirions-nous pas une bière de caractère ? Le cliché se déplace mais ne s’efface pas. » Et « Vin de femmes » avec des lèvres sur le verre, c’est pas cliché peut-être ? « Je veux juste décomplexer les femmes dans un milieu macho. Dans des cercles de dégustation, on peut être 5 femmes pour 80 mecs. Il n’y a pas de vin particulier pour les femmes. Il y a juste du goût. »
Texte : Olivier Bailly
1Enquête de santé, 2013, Institut scientifique de santé publique, Belgique.
2 « Rapport d’évaluation 2015, 2016 et 2017 : « évaluation de l’application par le JEP de la Convention en matière de publicité et commercialisation des boissons contenant de l’alcool », Jury d’Éthique Publicitaire
Couple, alcool et mensonges…
C’est un des chiffres les plus interpellants de notre enquête : 20 % des personnes en couple qui ont répondu à notre questionnaire disent avoir déjà menti à leur conjoint sur leur consommation d’alcool. Un chiffre qui varie énormément selon le sexe : 12 % des femmes ont pipeauté leur conjoint sur leur conso, contre 28 % des hommes ! À noter : les personnes déclarant avoir déjà fait subir des violences sous alcool, et étant en couple, déclarent aussi plus souvent mentir à leur conjoint. Ce sont majoritairement des hommes.